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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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Un hommage aux CPE, les premiers artisans (de l’ombre) d’un climat scolaire apaisé.

La gestion des relations internes au sein d’un établissement est un sujet à la fois infiniment complexe et très explosif. On ne saurait en faire porter la responsabilité aux seuls enseignants pour de multiples raisons :

  • Ils n’ont tout simplement pas le temps de mener les entretiens indispensables à la résolution de problèmes relationnels
  • Cela les place dans une situation de juge et partie qui peut être dommageable au sein d’une même classe et empêcher de véritables mises en œuvre
  • Certains n’ont pas envie de se former à cette matière qui peut être très douloureuse dans ses réminiscences et angoisses par les récits qu’elle suscite. Ils sont en revanche passionnés par leur matière et/ou par d’autres projets collectifs qu’ils mènent avec talent et plaisir. Merci à eux. Merci à l’Institution de leur donner les moyens de continuer à le faire
  • Contrairement à ce qui est parfois imaginé à tort, très peu de faits de harcèlement se déroulent pendant leurs cours.
  • Ils sont souvent contraint d’appliquer des protocoles qu’ils n’ont pas validés et l’absence de résultats leur est très injustement reprochée par tout le monde. Dans une mécanique parfois harcelante et très dommageable précisément au climat scolaire dans son ensemble.

Mais il existe une armée d’autres héros du quotidien, qui depuis leurs diverses tours de contrôle sont très observateurs ; qui eux, sont en position de surplomb fonctionnel, puisqu’ils sont par définition au service et surtout au contact de tous les élèves. Ce sont les CPE et leurs assistants d’éducation. C’est une exception française, très remarquable, mais de la puissance et du talent de laquelle nous ne semblons pas avoir pris conscience.

Les CPE, ce sont des femmes (dans 80% des cas) et des hommes avec lesquels notre équipe de formateurs échange passionnément, humainement, précisément, lors de nos formations et supervisions de pratique, lors d’échanges écrits sur les réseaux, lors de conférences passionnantes dans leurs débats. Des hommes et des femmes qui ont les mains dans le cambouis, qui animent des assistants d’éducation qui ont souvent encore un pied dans l’adolescence, ce qui créée une très juste passerelle avec les réalité des élèves. Des femmes et des hommes (à l’instar d’ailleurs des enseignants et de certains chefs d’établissement) qui n’hésitent pas à payer personnellement leurs formations pour se sentir le plus utiles possible aux enfants et adolescents du bien-être desquels ils ont la charge.

Elles, ils n’ont pas choisi ce métier pour une matière, ou plutôt si, celle de la relation individuelle, celle de la relation collective, celle, en somme, de la gestion d’un climat scolaire le plus apaisé possible, cette fameuse matière si profondément essentielle, et si terriblement dégradée dans certaines de nos enceintes scolaires.

Chaque fois que des CPE se sont emparés, (souvent seuls, et parfois soutenus par des équipes académiques innovantes, valorisantes et curieuse) des outils systémiques de l’École de Palo Alto au sein de leur établissement, en emmenant avec eux les assistants d’éducation -ces personnages phares dans le quotidien de tous les élèves de France- ils ont obtenu des résultats extraordinaires en matière d’amélioration de ce climat que nous espérons tous le plus serein possible.

La plus belle illustration nous en est donnée dans le livre d’utilité publique de Sandra Baudin, ancienne CPE « Relations éducatives selon l’École de Palo Alto, les tribulations d’une CPE en collège, Enrick Barbillon Editons » à laquelle j’ai posé en cette semaine de lutte contre le harcèlement en milieu scolaire trois questions :

  • En quoi les CPE sont pour toi les mieux placé•es pour améliorer le climat scolaire ?

Parce qu’on est là tout le temps, des micro bobos en passant par les petits soucis et jusqu’aux gros ennuis des élèves : c’est là que se tisse la confiance entre eux et nous. C’est du coup à nous qu’ils osent se confier lorsque leur vie scolaire vire au cauchemar.

Parce que notre équipe est constituée d’équipes très jeunes et sans cesse renouvelées, donc très proches de leur vision du monde, de leurs angoisses, de leurs espoirs, ils ne se sentent ni jugés ni incompris.

Et puis parce nous avons du temps qui peut être dédié à ça, c’est notre cœur de métier. Autant le faire avec souplesse et ingéniosité avec la systémie qu’en moralisation et sanction, comme c’est parfois encore le cas.

  • Qu’est ce qui t’a aidée le plus de la part de l’institution quand tu as pu mettre en œuvre ces outils dans les établissements où cela a si bien fonctionné :

La confiance que m’ont faite en amont certains de mes chefs, et la façon dont ils m’ont accompagnée à continuer quand ils ont commencé à constater les effets bénéfiques à la fois avec les parents, les enfants et même les enseignants,  des outils systémiques de l’École de Palo Alto. Les CPE, ce sont comme beaucoup d’autres, des professionnels qui ont besoin d’autonomie et de sentir qu’on a confiance dans leur expertise, sinon leur métier n’a plus de sens : ce sont des bac + 5 qui n’hésitent pas à se former en dehors, ils sont souvent souples, curieux, en recherche. On est loin du Surveillant Général des années 50. Ils ne demandent que ça : tester, expérimenter, évaluer de nouvelles méthodologies, trouver des solutions concrètes à transmettre à leurs assistants d’éducation.

  • Tu penses qu’il faudrait combien de gens formés par établissement pour avoir un impact réel et durable ?

Si on avait un•e CPE formé•e rigoureusement pour 250 élèves avec une véritable autonomie pour animer, sensibiliser, piloter 5 à 6 AED à ces méthodes d’intervention systémique, ce serait vraiment une innovation majeure et très vite « rentable » en termes de climat. Je pense qu’il faut en amont une sensibilisation générale (sous forme d’une conférence par exemple) aux élèves, aux parents, aux enseignants, qui montre à quel point le chef est investi. Et là, il se passe des choses extraordinaires, je le sais, je les ai vécues.

Emmanuelle Piquet