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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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« Quand on n’est pas la cible, on est la solution » : non, l’enfant harcelé n’est pas qu’une cible.

La ficelle marketing est bien épaisse : si des « populaires » comme les joueuses et joueurs des équipe de France de football te disent que la solution la plus noble et le plus efficace si tu vois quelqu’un se faire harceler dans la cour, c’est d’intervenir, il y a de meilleures chances que le message passe.

Auprès de toi, témoin.

On ne se demande pas en revanche quel message cette campagne envoie aux enfants harcelés, en filigrane, avec la même puissance marketing. Car beaucoup d’enfants harcelés aiment aussi les stars du football. Et écoutent leur parole comme évangile.

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Il est criminel de ne pas poser cette question.

Parce que lorsque l’on assène massivement :  « quand on n’est pas la cible, on est la solution », on explique implicitement aux élèves harcelés qu’ils ne font pas partie de cette dernière.

Puisqu’ils sont cibles. Donc immobiles et dévitalisés.

On leur explique donc que les modalités d’arrêt de ce calvaire qui les concerne pourtant au premier chef seront mises en œuvre sans qu’ils y participent le moins du monde. On leur dénie ainsi toute compétence, toute aptitude, tout pouvoir. On les cantonne effectivement à leur statut de cible, terme bien déshumanisé, inventé depuis peu par des spécialistes qui nous semblent très éloignés des souffrances pourtant si tragiquement humaines que ces cruautés génèrent. Un enfant harcelé n’est pas une cible, c’est un enfant qui souffre, mais il n’est pour autant pas vidé de toutes ses qualités, compétences, dons. Le lui laisser entendre intensifie selon nous ce dont précisément il souffre : un manque abyssal de confiance en lui, notamment en matière relationnelle.

Ce clip est malheureusement à l’image de ce que la grande majorité d’entre eux vit au quotidien tant l’élan général et les préconisations institutionnelles les désignent comme impuissants, toujours, en moralisant les témoins, en sanctionnant les auteurs, alors même que la quasi-stagnation des chiffres montrent l’inefficacité de ces deux mamelles sacrées du traitement du harcèlement scolaire depuis plusieurs années.

  • Parce qu’on ne les écoute pas lorsqu’ils demandent à ce que certaines choses ne soient pas faites au sein de l’établissement car ils pressentent que cela pourrait aggraver leur situation déjà si douloureuse.
  • Parce qu’on leur laisse croire de façon absolument mensongère que des élèves irréprochables et courageux veilleront à leur bien-être en intervenant auprès des harceleurs afin de les ramener au bon sens moral du meilleur des mondes possibles. Chacun le sait bien, les témoins existent presque toujours et n’interviennent quasiment jamais. (Et d’ailleurs combien d’adultes succombant à ce discours moralisateur n’interviennent pas eux-mêmes quand une jeune fille est lourdement, méchamment, abordée dans les transports publics ?)
  • Parce qu’on fait presque toujours les choses à leur place, soi-disant pour les protéger, mais en intensifiant encore leur vulnérabilité aux yeux des auteurs qui voient bien que si les adultes ou les héros bienveillants de leur âge interviennent, c’est bien que la victime n’a pas les capacités pour s’en sortir.

Nous continuerons à militer inlassablement pour que bien au contraire, au sein de chaque académie, les enfants harcelés puissent s’appuyer sur des adultes équipés, compétents pour les aider à puiser dans leurs ressources qui sont souvent immenses.

Pour les aider à reprendre le contrôle de leur vie grâce à leur courage et leur intelligence.

Pour qu’ils se remettent debout, et qu’ils soient fiers de l’avoir fait, accompagnés, mais en autonomie.

Pour que ce soient, eux, les héros de ce combat.