BLOG


À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

Retour
Poule Mouillée, le harcèlement à hauteur d’enfant

A l’école, la matière la plus importante pour les élèves, au-dessus de l’histoire-géographie, des mathématiques, des langues vivantes, est sans aucun doute la relation avec les pairs.

L’apprentissage de cette matière peut se faire de façon simple et harmonieuse.

Il peut se faire aussi dans des souffrances telles que des traces subsisteront toujours en matière de doutes et de mésestime de soi en matière de compétences sociales pour celui qui les aura traversées.

Il peut aussi ne pas se faire du tout, quand l’évitement de l’école, des autres, devient la seule solution envisageable pour l’enfant. Alors, les conséquences de cet évitement peuvent être encore plus dommageables à moyen et long terme.

Et il peut précisément ne pas se faire de façon positivement structurante, quand à la question que pose l’élève à ses maîtres, à ses parents, aux autres adultes qui l’entourent « qu’est-ce qu’on peut faire face à la méchanceté qui se répète ? », aucune réponse valable, au sens efficace du terme, n’est apportée. Parce que l’indignation bien légitime des adultes les pousse souvent à mettre en œuvre des solutions trop binaires, qui peuvent malheureusement aggraver le problème, ou parce que, tout simplement et en toute bonne foi, ils se sentent totalement incapables d’y répondre.

Il s’agit pourtant d’un sujet sérieux. Qui mérite une qualité d’analyse proportionnelle aux souffrances et aux émotions qu’il suscite. Il s’agit d’un sujet sérieux que pourtant peu d’adultes parviennent à analyser de façon rigoureuse et aidante.

Depuis quinze ans, chez A 180 degrés/Chagrin Scolaire, nous militons pour qu’il soit donc  abordé à hauteur d’enfant pour que chacun d’entre nous en comprenne bien le fonctionnement. Depuis quinze ans,  nous expliquons que les analyses des adultes, faites depuis le haut, ne sont pas suffisamment précises et contextualisées. Quinze ans que nous poussons chaque adulte référent de l’enfant qui souffre de harcèlement, à s’accroupir à côté lui, pour identifier ce que ce dernier a déjà mis en place et qui ne fonctionne pas, pour comprendre ce qui le pousse pourtant à continuer dans cette voie improductive, pour lui proposer de mettre en place une stratégie différente. Il s’agit bien de se positionner à la hauteur de l’enfant, jamais à sa place, parce qu’intervenant à sa place, on lui envoie le message qu’il est incompétent et qu’il ne s’en sortira jamais de ce type de situations en puisant dans ses ressources.

Cette posture singulièrement aidante est  excessivement difficile à expliquer, difficile à transmettre.

C’est pourtant ce qu’ont réussi les magnifiques auteurs, scénaristes et comédiens de la pièce « Poule Mouillée » qui se jouait pour la deuxième année consécutive au Festival off d’Avignon cet été.

Un spectacle qui vous embarque immédiatement dans un voyage intense et salvateur aux côtés d’un jeune garçon en proie à la cruauté d’un enfant de son âge. Et qui constate, atterré, à quel point il est seul dans cette relation délétère, malgré l’infinie bienveillance des adultes qui l’entourent.

Un spectacle qui allie une rigueur d’analyse et un univers puissamment onirique au service de l’apaisement des souffrances de son jeune héros qui s’en sortira grâce à son immense courage et sa créativité.

Un spectacle doux et drôle, puissant et bouleversant, qui saisit de la tête aux pieds les adultes comme les enfants et vous plonge dans une quasi-hypnose revigorante. Comme en témoigna ce tout petit garçon assis juste derrière moi et qui, alors que le héros s’exclamait « je ne suis pas une poule mouillée », se mit à hurler : “non, tu n’es pas une poule mouillée », se joignant vigoureusement au combat qui se jouait sur scène.

Elisa Falconi, Gustavo Araujo, Noé Pflieger et Cindy Bossan créateurs et propulseurs de la pièce « Poule Mouillée » au sein de Petit Mélo/Compagnie Mélodrames,  incarnent parfaitement grâce à cette création unique en son genre, ces adultes dont auraient si puissamment besoin les enfants pris dans les affres du harcèlement entre pairs. Grâce à leur travail d’écriture, de mise en scène, de jeu tout court,  ils aident à observer, analyser, agir, chacun des enfants (et des adultes) qui aura le bonheur d’assister à leur spectacle. La pièce de ces passionnés est intelligente, salvatrice, rassérénante. Elle est d’utilité publique.