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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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Non, ces enfants ne sont pas moqués à cause de leur couleur de cheveux

Cette manie qu’ont les media et certains « spécialistes » du harcèlement en milieu scolaire de faire croire que les enfants se font harceler à cause de leur non intégration dans des normes physiques, comportementales, de classe, intellectuelles, ou autres (la liste est longue et est fréquemment alimentée) présente des risques insensés pour les enfants harcelés eux-mêmes : elle laisse en effet supposer que tous les enfants n’entrant pas dans une des normes sus-citées seront potentiellement en souffrance interactionnelle avec leur pairs.

En dehors du fait qu’il est totalement faux (nombre de roux hyperactifs, pauvres et n’ayant pas de bonnes notes tout comme d’ailleurs, nombre de gros, HPI, riches, ayant de très bonnes notes, ne se feront pas harceler dans la cour du collège), ce propos inconsidéré place immédiatement les malheureux « hors normes » dans un état d’inquiétude, qui, lui, précisément, fait la joie des harceleurs de tout poil.

Car – nous l’étayons tous les jours dans notre pratique clinique – ce sont bien les signes  d’une vulnérabilité présumée chez l’enfant harcelé par des harceleurs en quête de popularité qui poussent ces derniers à le choisir lui plutôt qu’un autre. Un enfant qui pense intensément, parce que certains membres adultes le lui ont dit d’un air docte, que sa rousseur, son hyperactivité, sa classe sociale ou sa réussite scolaire vont immanquablement être moqués, se met sans le vouloir, sur ce sujet précisément, dans une position de fragilité qui attire les pairs en quête de puissance. Ils vont donc commencer à taquiner le jeune blond vénitien, qui, accablé que la prophétie se réalise, sera trop mal à l’aise pour répondre, ce qui poussera les autres à le moquer derechef, ce qui donnera lieu à nouveau à une impuissance explicite, et continuera d’alimenter ce cercle vicieux que pourtant, nous cherchons tous à arrêter.

De grâce, arrêtons donc de traiter ce sujet avec autant de légèreté et si peu d’étayage et faisons preuve d’un minimum de rigueur quand c’est la souffrance des enfants qui est en jeu. La bonne nouvelle en effet, c’est que s’il est dommage de teindre un roux en brun, il est possible et hautement protecteur à court et moyen terme d’étayer un enfant vulnérable pour qu’il retrouve confiance en soi quelles que soient ses différences.

Emmanuelle PIQUET