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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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« Petit 2010 de merde »

Depuis plusieurs jours, sur Tik Tok, une campagne de dénigrement des enfants nés en 2010, les petits arrivants au collège, connaît un succès démesuré au regard de l’intelligence de ce qu’elle véhicule. Faisons en sorte de ne pas l’alimenter sans le vouloir…

Depuis longtemps, nous avons validé par notre pratique clinique que le premier ingrédient du harcèlement est la vulnérabilité présumée des enfants harcelés. Elle est imaginée ou palpable par tous les (pré)adolescents qui ont pour ce faire un radar particulièrement aiguisé. Les harceleurs, en toute logique, vont aller sélectionner des spécimen dans cette population a priori plus fragile pour commettre leurs méfaits et asseoir ainsi leur pouvoir pour accroître cette popularité si essentielle à leurs yeux.

Or, qui est plus vulnérable qu’un enfant de sixième qui sait qu’il va se retrouver confronté à des « grands » troisième dont l’âge frôle parfois les 16 ans ?

Il se trouve que cette année, à cette vulnérabilité initiale et bien logique, vient s’ajouter une pression inédite et surprenante : les sixièmes qui entrent actuellement au collège ont le « malheur » d’être nés en 2010. Leur tête est à ce titre mise à prix sur les réseaux sociaux : Certains 2009, 2008 et 2007 n’ont pas assez de mots cruels et de vannes agressives pour les stigmatiser. Ce sont donc quelques enfants réellement terrorisés qui se retrouvent actuellement dans le couloirs du collège, ils vont constituer des cibles parfaites pour que de collectif, le harcèlement devienne individuel.

Et c’est là le seul problème dont il faut se saisir immédiatement et à bras le corps dans chacun des établissements.

Mais cette attaque collective, en dehors de son abyssale vacuité, devrait pouvoir s’éteindre d’elle-même pour au moins trois raisons :

  • Parce qu’attaquer une date de naissance ne s’appuie sur aucune zone de complexe individuelle, de celles qui font vraiment souffrir quand on appuie dessus. Or le harceleur est toujours motivé et remotivé par la souffrance qu’il suscite. Ici, elle ne sera souvent pas assez intense pour que la meute ait envie de continuer (sauf si les adultes montrent à quel point ça les fait souffrir, eux…)
  • Parce que cette attaque d’une date de naissance s’adresse à une population pas du tout définie jusque lors et qu’elle peut créer un sentiment de cohésion tout à fait intéressant et inédit. Les 2010 pourraient d’ailleurs utilement arborer un t-shirt commun revendiquant cette identité tribale avec comme mention par exemple «Proud to be a Fortkid » ou « I’m a pop it, you can’t understand »
  • Parce que de nombreux collégiens et lycéens des autres millésimes ont déjà commencé à moquer salement les fâcheux lancés dans ce bizutage d’un genre nouveau et que passer pour un idiot aux yeux de ses aînés est très mauvais pour la popularité (sauf quand cet aîné a l’âge de nos parents, de nos grands-parents, auquel cas, c’est beaucoup moins répulsif).

Le problème n’est donc pas collectif mais risque de le devenir très rapidement si on focalise dessus comme l’a fait Jean-Michel Blanquer en demandant à l’ensemble des collégiens de souhaiter la bienvenue aux 2010 au risque d’exciter encore plus ceux qui le sont déjà et peut-être de motiver ceux qui ne l’étaient pas vraiment. Car, cet habitué de l’Education Nationale devrait le savoir mieux que personne, ce qui énerve les adultes devient souvent irrépressiblement séduisant.

Par ailleurs, si l’exhortation à la gentillesse de ceux qui recherchent la popularité à tout prix fonctionnait, nous aurions sans doute les meilleurs résultats du monde en matière de harcèlement, puisque c’est l’unique direction de l’action publique pour endiguer ce fléau depuis dix ans. C’est loin d’être le cas, comme le démontrent nos mauvais résultats sur ce thème dans l’enquête PISA de 2018.

Outillons nos Fortkids collectivement et individuellement, avec humour et affection, pour les étayer face à ce ridicule bashing, nous les rendrons plus forts et créerons ainsi un inconfort salutaire chez ceux qui se sont crus autorisés à les attaquer.