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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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Un apprentissage du confinement

Le premier confinement a saisi tout le monde. Pris par une urgence inédite, on expérimenta d’autres manières de maintenir les liens professionnels, amicaux et familiaux : les visioconférences ont pris une place notable parmi nos outils quotidiens.  Dans les centres de consultation et de formation à 180 degrés – Chagrin scolaire, les thérapeutes et les patients, les formateurs et les futurs thérapeutes en apprentissage se sont plutôt rapidement adaptés à l’exercice imposé. Cependant, lors de ce premier temps des mesures sanitaires contraignantes, ce ne fut pas sans regrets ou grincements de dents. L’inquiétude partagée était logique : ne plus partager le même espace physique n’entraînerait-il pas la perte de certaines finesses dans la perception des messages de son interlocuteur ? La question pouvait se poser.

Métacommuniquer

Dans notre métier, il est essentiel de percevoir ce que dit le corps. Le recul d’un buste, un regard qui s’échappe, un visage qui se ferme ou des yeux qui s’embuent sont autant de messages que le thérapeute relèvera. Les psychopraticiens des centres à 180 degrés – Chagrin scolaire  sont formés à ne pas manquer une opportunité de « métacommuniquer », c’est-à-dire de communiquer sur la situation de communication elle-même ou sur les mouvements si parlants que l’interlocuteur choisit de montrer… ou qui lui échappent. Ils sauront alors interroger leur patient pour chercher à comprendre de quelle pensée ou de quelle émotion naissent telle mimique, ce gros soupir, une larme qui perle, cet air subitement lointain. Or, derrière un écran, le corps des patients bouge de manière différente et pour des raisons qui, parfois, n’ont rien à voir avec la problématique : la cause peut être  un siège peu confortable, l’éclat d’une notification faisant soudain briller l’écran d’un smartphone, l’irruption d’un enfant ou d’un chat dans la pièce, etc. Dans ces cas-là, le risque de mal comprendre ce qui est perçu existe, mais il est finalement minime, puisqu’en expert de la métacommunication, le thérapeute interrogera son patient sur ce qu’il a vu afin de vérifier quelle part ce message prend dans la problématique, tout aussi finement qu’en séance au cabinet.

En revanche, parce qu’une image est floue ou un son distordu, ne pas même percevoir qu’il est dit quelque chose par le corps ou l’attitude du patient, lequel, par exemple, n’ose pas exprimer avec des mots ce qu’il ressent – par pudeur, honte ou par volonté de « prendre sur soi » – pourrait nuire à la thérapie  en retardant la compréhension de la problématique, du contexte ou des enjeux. En cela, la visioconférence n’est pas pleinement satisfaisante, et tous les thérapeutes aussi bien que tous les formateurs de l’équipe préféraient travailler en présence des personnes qui se confient à eux pour éviter ce risque. La possibilité de donner de nouveau les consultations en face à face dans les centres a donc été fort bien accueillie par les patients comme les psychopraticiens, heureux de retrouver une configuration intime et singulière. Tous les dispositifs de mise en sécurité ont été mis en place, et les consultations ont repris, de part et d’autre de parois de plexiglas. Mais l’obligation de conserver son masque a rendu parfois très peu lisible les expressions des patients, notamment celle des plus jeunes, dont on s’aperçoit que leurs regards ne sont pas des plus parlants. De ce fait, s’efforcer de percevoir ce qui les anime n’est pas simple, car les gestes et les postures sont rarement assez théâtralisés pour qu’on puisse entendre le possible message qu’ils délivreraient. Par conséquent, ce qui a été retrouvé en chaleur humaine, grâce au partage de l’espace, à l’important ballet des gestes d’accueil et des menus propos qui entourent l’installation des personnes, tout ce « tissu interstitiel » de la relation n’a pas suffi à rendre les consultations plus aisées. C’est ainsi que l’on connaît des psychopraticiens, convaincus de l’importance de la présence physique, qui en sont venus à préférer les consultations en visioconférence, parce qu’elles sont finalement moins lacunaires que les consultations masquées.

La distance : un atout pour aider tous ceux qui le souhaitent

Par ailleurs, quand la situation sanitaire permettra un retour à de précédentes manières de se rencontrer, faudrait-il renoncer aux séances en « distanciel » et réserver la thérapie aux personnes en capacité de se déplacer ou résidant à proximité d’un centre de consultation ? Nous pensons que non, et bien avant les obligations que la pandémie nous a faites, nous consultions déjà par le biais d’outils numériques. Les difficultés inhérentes à cet usage ont toujours existé, à commencer par les images figées et les sons distordus qui interrompaient l’échange, et pouvait menacer la dentelle d’une relation encore fragile. Rien d’étonnant à ce que cette modalité de consultation ait été parfois redoutée par certains thérapeutes peu aguerris, ce qui les amenait à la proposer parcimonieusement, leur réticence faisant que la réussite de la consultation à distance paraissait encore plus aléatoire et difficile à obtenir pour celui qui la redoutait, en un parfait cercle vicieux.

Les confinements nous ont conduit à perfectionner notre usage des outils numériques, en exigeant d’abord des services de meilleure qualité : certaines applications ont  été délaissées au profit de plus fiables.  Il faut  un cerveau débarrassé des embarras techniques pour retrouver l’acuité habituelle aux entretiens en présence physique. Les thérapeutes des Centres à 180 degrés – Chagrin ont constaté, au cours des confinements, que les thérapies qui sont menées en visioconférence dans de bonnes conditions techniques n’ont que peu à envier aux autres.

Le raffinement de cet apprentissage, qui a enrichi la pratique des psychopraticiens, valait d’être partagé, car tous les thérapeutes que nous préparons à ce métier seront très certainement amenés à consulter à distance. Dorénavant, même si aucune obligation sanitaire ne nous y oblige,  des journées en visioconférences  sont prévues dans nos parcours de formation, au cours desquelles des exercices de simulation entre étudiants ou, pour l’enseignement de la clinique, des consultations menées par un cerveau collectif, permettront de pratiquer ces outils. Parce que les maîtriser est une indéniable plus-value, avant tout pour les patients.