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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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Les thérapeutes recommandés ont la parole – Épisode 6 : Brigitte MILLERAND

Sa rencontre avec le modèle de Palo Alto 

Je suis ergothérapeute et des patients sont arrivés avec un enfant qui avait des problèmes de harcèlement à un moment où je n’étais pas très bien dans ma vie personnelle. Comme ce n’était pas du tout ma pratique, que c’était des choses dont j’entendais vaguement parler mais que je ne traitais pas dans ma profession, je me suis informée et je suis tombée sur le site d’À 180 degrés/Chagrin scolaire. Et je me suis dit : « Mais ça à l’air très bien ! ». Et j’ai d’abord consulté pour moi.  

Je pense qu’au décours de la première consultation – à la deuxième, j’étais sûre – a déjà pointé l’envie de me former à cette thérapie, à cette méthode, parce que dans mon travail, il me manquait des choses. Il me manquait la façon d’aborder les patients et les familles autrement que ce que je faisais habituellement. Voilà ma première rencontre avec Palo Alto.

Quelles conséquences de cette formation sur la vie professionnelle de Brigitte

Ça a changé beaucoup de choses : ma façon d’aborder les personnes et beaucoup ma façon de voir les choses. Concrètement, ça a changé mes outils parce que je peux proposer des thérapies quand c’est ce qui me semble le plus important au moment où les personnes viennent me voir. Mais ça a vraiment changé le fond de ma pensée, donc du coup, tout le reste, qui en découle. Maintenant, je me présente tout le temps en disant : « J’ai deux casquettes ». Je dis ça pour que les gens comprennent bien que parfois on est plus du côté ergothérapie et parfois plus du côté Palo Alto, mais pour moi c’est une seule et même chose, avec différentes facettes, puisqu’en fait, Palo Alto s’est infiltré partout dans ma pratique professionnelle.

Et dans la vie personnelle ?

Dans ma vie personnelle aussi. J’ai déménagé, tout ça… [rires] Mais dans ma façon d’envisager les choses, ça m’a permis d’être… quoi ? plus sereine ? …je ne sais pas. Non, pas forcément plus sereine, mais différente. Et mon rapport au monde, globalement, a changé de couleur.

Ce que Brigitte ne fait plus depuis qu’elle utilise le modèle de Palo Alto

Par exemple, dans ma pratique d’ergothérapeute, j’ai souvent des parents qui viennent me voir pour mettre leurs enfants sur ordinateur parce qu’ils ont des problèmes d’écriture. C’est une problématique classique dans ma patientèle. Et avant, j’essayais souvent de les convaincre et leur enfant aussi, s’il était un peu résistant, en lui disant : « Mais si, ça va être bien pour toi ». Maintenant, c’est absolument terminé. C’est-à-dire que, vraiment, je laisse le choix à l’enfant. Je lui explique les tenants, les aboutissants. J’essaie d’être vraiment très objective dans ce qu’il risque : dans les bénéfices qu’il peut en tirer et dans ce qu’il risque. Et surtout, j’avertis les parents, en leur disant : « Il n’est absolument pas question que je travaille avec votre enfant s’il ne souhaite pas le faire. »

Au début, j’étais un petit peu radicale dans ma façon de présenter les chose [rires], donc il a fallu que je mette le curseur un peu différemment, que je m’assouplisse un peu ! J’essayais de convaincre, dans le sens inverse, et en le disant aux parents, j’étais très ferme ! J’ai vu des parents repartir, et je me disais : « Ils ne reviendront jamais chez moi, en fait ». Mais ce n’est pas grave. Il fallait que je trouve un peu de souplesse dans ma façon de faire, dans ma façon de proposer les choses. Mais effectivement, c’est un des changements majeurs. Et une autre chose importante, c’est que je laisse le choix. Vraiment. C’est-à-dire que je laisse le choix à l’enfant, je laisse le choix à la famille, de faire les choses ou pas. Dans mon métier d’ergo, je ne fais pas forcément un cercle vicieux, pas forcément de métaphores, encore que, les métaphores, j’en utilise quand même pas mal… Là aussi, ça a changé. Et aussi le fait que je vois beaucoup de parents en entretien, car il y a un entretien préalable. Je reçois beaucoup de parents qui laissent peu leur enfant en responsabilité, en autonomie. Donc, dans le décours de l’entretien, ce sont des choses que j’aborde quasiment tout le temps, parce que ce sont eux qui viennent sur ce terrain. Je sème des choses par-ci, par-là, notamment, j’emploie souvent la métaphore du vélo et des roulettes.

Le livre que Brigitte relit régulièrement

Dans les livres qui m’accompagnent, il y en a un que je présente aux parents et que je relis régulièrement, c’est Je me défends du harcèlement. Mais je revisite beaucoup les séminaires que j’ai suivis [modules de formation complémentaire donnés par À 180 degrés], par exemple ceux du mois de juillet sur les enfants, sur les ados. C’est plutôt ça qui m’accompagne, en fait. Je relis des situations, je me replonge dans l’épistémologie. Ce n’est pas tellement personnel, c’est dédié à la patientèle que j’accompagne, les enfants et les ados. 

Pourquoi est-ce important pour Brigitte de faire partie du réseau des thérapeutes recommandés par À 180 degrés/Chagrin scolaire

Au départ, je me suis dit que ce n’était pas forcément très utile parce que j’ai déjà un certain réseau professionnel. Et puis, je me suis dit deux choses : une première chose, c’est que ça va m’obliger à être sur le qui-vive, à me nourrir par les supervisions et je pense que c’est important. Et puis la deuxième chose, c’est que je conseille très souvent aux parents qui viennent me voir : « Allez sur le site d’Emmanuelle Piquet » et je me suis dit que ça pouvait rassurer les gens de voir que j’étais dans l’équipe. Je leur dis : Moi, je suis formée par Emmanuelle Piquet et son équipe ». L’idée quand je les envoie sur le site, c’est qu’ils puissent avoir davantage d’informations que celles que je peux leur donner, en dix minutes ou en une heure. Je me suis dit qu’ils seraient rassurés de savoir que je ne suis pas toute seule. Ça leur plaît beaucoup quand je dis, dans la présentation du cadre, que si la situation le nécessite ou si j’en ai besoin, on travaillera à plusieurs cerveaux parce que je vais en supervision régulièrement. Toujours, les patients accueillent ça très, très bien. Ils sont contents de savoir qu’il y a une équipe et qu’il ne s’agit pas d’une personne seule qui les accueille.

Ce que Brigitte préfère dans une thérapie ?

Je vois beaucoup de parents (je reçois leurs enfants après) qui viennent en thérapie brève pour des problèmes de harcèlement ou de responsabilisation, alors, j’aime bien quand d’autres problématiques me sont proposées. Notamment, j’ai eu plusieurs fois des couples, et j’ai trouvé ça très intéressant parce que ce sont des choses moins habituelles pour moi, ça me demande de réfléchir plus. J’aime bien parce que ce n’est pas tout le temps mais aussi parce que, même si le raisonnement est toujours le même, c’est intéressant aussi de voir, dans les couples, comment les choses se réajustent entre eux, ou pas d’ailleurs, mais comment les choses bougent entre deux personnes. Une autre chose que j’aime bien, c’est en dehors de la thérapie brève, mais quand les parent me disent, alors que l’enfant ou l’ado est là : « Oui alors, pour faire ses devoirs, c’est la guerre… », et qu’alors, je fais un petit recadrage comme : « Mais, quand votre enfant aura 25 ans, est-ce que vous ferez toujours les devoirs ? » J’adore le sourire de l’enfant ou de l’ado à qui je dis : « Tu as bien fait d’être venu aujourd’hui, tu es content, hein ? » J’aime ces petits moments, ces petits clins-d’œil.

Ce qui occupe l’esprit de Brigitte au cours d’un accompagnement.

Je ne dirais pas que ça m’empêche de dormir, je dirais que parfois, j’y réfléchis longtemps, en me demandant dans quel sens je vais prendre la situation. Par exemple, récemment, une dame est venue me voir, elle a eu le Covid après la première séance donc je ne sais pas si elle va revenir, mais au bout de cette première séance, la tâche que je lui ai demandée, c’est de réfléchir à ce qu’elle attendait de moi, parce qu’en fait, elle ne savait pas précisément ce qu’elle voulait. Les choses qui me mettent le plus en difficulté, c’est quand les gens sont déjà en thérapie. Je les préviens alors que ce n’est pas conseillé, et que ça va être compliqué[1] et c’était le cas de cette dame. Ce sont des choses qui me sont compliquées, parce que je ne sais pas où je vais, en fait.

Conseil à qui souhaite devenir thérapeute stratégique

Je lui demanderais s’il est prêt à ce qu’il y ait de vrais changements dans sa vie, parce que c’est la première question ; je lui demanderais pourquoi il souhaite faire ça, et je lui conseillerais de consulter pour lui ou pour elle, s’il y a un besoin, pour avoir un premier échantillonnage, parce que je pense que ce n’est pas mal de passer par là même si ce n’est pas une obligation. Et après, je lui dirais : « Il faut aller dans le grand bain ! » parce que c’est l’expérience qui fait qu’on sait si on a envie, si ça fonctionne ou pas.

Conseils à un thérapeute qui hésiterait à se lancer dans l’aventure d’une formation « A 180° »

Je lui demanderais quels seraient les risques et inconvénients à le faire. Je lui conseillerais de lire des bouquins, j’ai lu avant de faire la formation :  Bref, Faites votre 180 degrés et Je me défends du harcèlement, d’Emmanuelle Piquet.  Ça donne déjà une bonne idée de ce que cela peut être. Si les personnes hésitent encore, le mieux est de les adresser à quelqu’un de l’équipe, pour lever les doutes ou pour discuter.

En conclusion

Pour avoir proposé la Thérapie Brève à certains patients, parce que je pensais que c’était judicieux, je reste aussi convaincue qu’en thérapie, on a chacun des outils qui nous correspondent, en tant que thérapeute et en tant que patient. Et qu’en effet, la Thérapie Brève correspond à beaucoup de situations et à beaucoup de personnes, mais pas forcément tout le monde. C’est aussi une des choses que j’ai apprises, peut-être. Dans les prémisses, c’est ça aussi qui me revient : ne pas vouloir plus que le patient.

Comme je le disais, quand je m’aperçois, maintenant, que j’essaie de convaincre, je me dis « Oups !  Là, tu as essayé de convaincre et ce n’est pas bon. Recule, reviens. » Et je pense que c’est vrai pour tout et c’est vraiment un principe important de sentir quand on essaie de convaincre : ça veut dire qu’on n’est pas au bon endroit.

Il y a des patients qui vont tout à fait adhérer à ce type de thérapie parce que ça leur correspond, ça va leur donner des possibilités de changement, dans lesquels les accompagner ; et d’autres pour qui ce n’est pas du tout ce qu’ils cherchent, notamment parce qu’ils viennent consulter une ergothérapeute. Ou bien, comme la patiente que j’évoquais, qui est déjà en thérapie, et qui est peut-être dans une espèce de quête, je ne sais pas…

Il faut repréciser aux patients qu’ils ont la liberté de changer (ou pas) et c’est aussi une des forces de cette thérapie. C’est hyper rassurant pour eux quand on dit aux patients : « C’est de la thérapie brève, mais pas précipitée, et vous avez la possibilité de dire à tout moment que ça ne vous convient pas ». Pour eux, ça garantit une super sécurité.  Ils ne se sentent pas « pris aux pattes », comme on dit. Ils savent que, financièrement, ça ne va pas leur coûter non plus une fortune parce qu’ils ne sont pas engagés pour dix ans. C’est super important.


[1] Ce n’est pas une impossibilité totale, mais nous pensons qu’il est souvent inefficace et parfois dangereux de consulter simultanément deux thérapeutes aux modèles opposés, qui préconiseront des choses contraires ; nous leur proposons soit de continuer leur suivi avec l’autre thérapeute et de ne revenir nous voir que si cela ne les a pas aidés comme ils le souhaitaient, soit de faire une pause avec l’autre thérapeute pendant un ou deux mois. (NDLC)