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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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Les praticiens de l’annuaire ont la parole – Episode 1 Pascal Bauquerey.
Pascal Bauquerey et le modèle de Palo Alto, ça a commencé comme ça…

Je ne peux pas l’oublier… c’est une amie  qui m’a dit « il faut vraiment que tu lises un livre », il faut dire que je ne suis pas un grand passionné de livres, et elle m’a prêté Le Baron chez les psys, de Gerbinet. Et ce Baron chez les psys,  n’est ni plus ni moins qu’un éducateur d’AEMO[1], et moi, je suis éducateur. Donc ce livre m’a énormément parlé, c’est quand même mon métier depuis 30 ans.

Et cette amie qui la connaît bien, était  avec Emmanuelle Piquet, quelques semaines plus tard. Elle lui a parlé de moi et Emmanuelle a proposé que je vienne voir ce qu’elle faisait au cabinet. Et puis… voilà. En septembre 2013, je passais deux journées avec des thérapeutes, la première avec Emmanuelle. Dès le premier entretien,  j’ai dit : « C’est ça que je veux faire. » ça s’appelle une révolution. Le lendemain, au déjeuner, Emmanuelle Piquet me dit : « Tu as tout pour faire ce métier, et il y a une promotion qui va débuter sa formation en janvier ».

Au départ,  je ne pensais pas du tout qu’un jour j’ouvrirai mon cabinet, je ne pensais pas du tout qu’un jour je serai thérapeute.

La vie t’envoie des signes. En 2015, j’ai déjà un pied dans la formation, j’étais bien avancé dans le parcours. Là, une très grande amie m’a dit : « Je ne vais pas bien, je repars en dépression et mon médecin m’a dit qu’il ne voudrait pas me redonner de médicaments, donc, qu’il serait bien que je fasse une thérapie. » Et spontanément elle lui a répondu : « Si je dois faire une thérapie, ce sera avec Pascal. » Elle savait que je partais dans cette voie, mais je n’étais pas du tout installé, rien…

Et là, j’ai téléphoné en tremblant à Emmanuelle Piquet à qui j’ai dit :

– « Emma, devine ce qui m’arrive, c’est une catastrophe ».

Elle m’a répondu :

– « Ce n’est pas une catastrophe, ça s’appelle un signe. Donc, il faut y aller, maintenant

– Mais où ?

– Tu te débrouilles ! »

Ma tante avait un appartement libre. Je me suis retrouvé dans une pièce avec deux chaises et pour la petite histoire, j’ai pris en photo mes premiers billets, ma première gratification pour ce travail. Je garde précieusement cette photo. J’ai pris ma première supervision sur cette patiente et nous avons fait de bonnes choses. Je me suis dit que même à Vesoul, il y avait moyen de faire quelque chose.

Après, est venu un ami. J’ai démarré en recevant de la famille et des amis. À un moment donné, je me suis dit, toujours poussé par Emmanuelle : « Il faut y aller… la lumière appelle la lumière, les patients attirent les patients » et aujourd’hui, j’ai gardé mon mi-temps d’éducateur et j’ai un mi-temps de thérapeute. J’ai cherché un lieu et je suis installé dans ce cabinet merveilleux au milieu de Vesoul, où j’ai décidé d’ouvrir aussi le samedi matin, je sais que c’est un créneau que personne ne prenait.  C’était une belle opportunité. Ceux des grandes villes ne comprennent pas trop, mais la « grande communication »,  ça ne marche pas vraiment ici,  c’est surtout le bouche-à-oreille qui compte. C’est très fort chez nous, le bouche-à-oreille.

Qu’est-ce que ça a changé dans sa vie personnelle

Une comparaison me vient. Quand j’ai perdu mon père en 2008, et je me suis dit, il y a eu le Pascal d’avant, et il y a eu le Pascal d’après. Eh bien, quand j’ai commencé avec Palo Alto, il y avait le Pascal d’avant et le Pascal d’après. Mais pas que sur un plan professionnel. Sur un plan personnel aussi. C’est vraiment autre chose… on vit « thérapie brève », on mange « thérapie brève », on pense  « thérapie brève », même si j’essaie de m’en protéger. C’est pour ça que je ne suis pas toujours impliqué dans tous les projets « Chagrin scolaire », parce que j’ai besoin énormément d’extérieur, (par exemple, je suis quelqu’un qui bricole) pour pouvoir me donner à fond dans mes thérapies. C’est une grande qualité chez moi, mais aussi un défaut : le soir, quand je finis, je suis en vrac.

Les choses que Pascal ne fait plus,  depuis qu’il connaît ce modèle

La 1ère chose, je pense à mon boulot d’éduc’, ça transpire tous les jours ! Aujourd’hui, [avec le modèle de Palo Alto], je travaille sur « l’ici et maintenant » et sur le « comment », alors que j’ai été formé et  même éduqué sur le « pourquoi ». Et ça, c’est une véritable révolution, chez moi . Ça n’a pas été confortable, quand j’ai démarré. Car je n’étais pas légitime. Tu peux être un très bon éducateur, reconnu comme tel, comme je l’étais je pense, mais pour autant, tu n’es pas un thérapeute. Donc j’en ai bavé les premières années.  Aujourd’hui, tout le monde reconnaît ma partie « éducateur » et ma partie « thérapeute » et il n’y a pas une journée où je fais l’un sans l’autre. Du côté éducateur, régulièrement, des personnes viennent me demander ce qui m’amène à travailler selon ce modèle de Palo Alto. Mais je reste éducateur : je ne prescris pas de tâche. Mais je peux amener un livre d’Emmanuelle Piquet dans une famille, en disant : « Je pense, Madame que ce serait intéressant que vous lisiez ce bouquin… »

L’équilibre entre les deux est devenu plus confortable. Par exemple, une conférence va être donnée prochainement ici et une bonne partie du secteur social est au courant.

Sa prémisse préférée

C’est facile. La bienveillance. Le fait de rejoindre les patients. C’est ce que j’entends le plus à mon cabinet. La première chose que disent les gens c’est qu’ici, on est respectueux du patient. Quand les personnes quittent mon cabinet, non seulement elles se sentent entendues, mais elles se disent : « J’ai quelqu’un sur qui je vais pouvoir compter ». Ils ajoutent pour certains : « Et en plus, vous donnez à faire des choses concrètes, pragmatiques ; et on repart sans culpabilité »

Choisir d’entrer dans l’annuaire « A 180 degrés »

Parce que c’est une véritable référence. Comme ce que j’affiche sur mon mur : il y a le diplôme universitaire, « Virages » et bien sûr   « Chagrin scolaire » et « A 180 degrés ». À chaque première séance, je les montre. Je montre que je fais partie d’un groupe, qui s’appelle « Chagrin scolaire » ; que je ne suis pas tout seul, même si je suis seul dans mon cabinet. Et d’ailleurs, je m’excuse quand je dis « on » ou « nous ». Ce n’est pas que je suis fou, c’est que derrière moi, il y a une équipe (souvent les gens rigolent) et je leur dis que je peux être amener à parler d’eux en supervision.

Je sais que les gens vont voir le site A 180 degrés-Chagrin scolaire. Déjà parce que je vais leur demander d’aller regarder [une vidéo] TedX par exemple, mais aussi, je sais qu’ils vont aller voir plus loin (mes collègues, ou [comment sont-ils répartis] sur la carte de France, etc.) et regarder ce qu’est ce groupe. Je le sais aussi parce qu’ils me demandent de noter les références du site.

Un métier gratifiant

J’aime cette alliance extraordinaire avec les patients. Vraiment, je m’éclate. Eux disent, « De toutes façons, on a envie de vous écouter et de faire ce que vous demandez ».   ça fait trente ans que je fais de l’éducatif et je me dis qu’on a fait de belles choses, bien sûr…mais ici, toutes les semaines, j’ai un remerciement. Quel est le boulot aujourd’hui qui permet de dire ça ? Je ne suis pas sûr qu’il y en ait beaucoup. Là, j’ai des mails de remerciements, avec des choses extraordinaires. La dernière, c’est à propos de cette gamine de 8 ans qui ne parlait pas  à l’école ; j’ai vu trois fois sa mère, elle jamais. L’enseignant m’a appelé : cette gamine, maintenant, récite sa poésie en classe. Enfin, elle la murmure… de plus en plus fort, quand même ! (rires)

C’est juste miraculeux. Je fais attention de ne pas raconter comme ça : ça fait le type vantard qui fait des trucs de gourou, des miracles. (rires) Mais, ce n’est jamais gagné : pour le même problème, ce n’est jamais la même interaction, la même approche. Ça oblige à toujours travailler.

Son moment préféré, dans une thérapie.

La salle d’attente. J’ai une excitation terrible quand je vais ouvrir la porte pour un nouveau patient. Je me suis fait une idée de la personne, au téléphone et je suis extrêmement sensible au premier regard. Et quand j’ouvre la porte de la salle d’attente…là,  il se passe un truc !!! c’est indescriptible. Et je suis souvent assez bon en première séance, car les gens reviennent (rires) et après je suis peut-être un peu moins bon, dans certains domaines (rires), mais j’adore les premières séances. La première séance, c’est ce qui va faire que les gens vont revenir ou pas. Il y a un vrai combat.  C’est ce qu’il y a de plus grisant.

Sans aucun regret, même si tout n’a pas été facile

Je suis quelqu’un qui avance doucement mais sûrement, quelqu’un qui ne veut pas aller dans la formation comme ça, ni donner des conférences. Parce que je crois qu’il faut être un très bon thérapeute avant de passer à quelque chose d’autre, il faut vraiment connaître de quoi on parle et moi j’ai encore plein de choses à apprendre.

Parfois, je me dis « et si c’était à refaire ? en sachant tous les déplacements et ce à quoi tu t’engages» et je ne sais pas répondre à cette question ; j’ai mis un pied et la machine m’a un peu avalé.  Je n’ai absolument aucun regret, mais j’y ai laissé quelques plumes, dans la sphère personnelle. J’ai été beaucoup absent, c’est ma femme qui a dû porter,  gérer davantage à cette période-là ;  il a fallu faire des sacrifices. Mais j’ai reçu le soutien inconditionnel de ma famille proche et d’ami(e)s.

« Si c’était à refaire ? » Je n’arrive toujours pas à répondre à cette question.

Mais je n’ai aucun regret.

[1] Aide Éducative en Milieu Ouvert