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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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Le projet « Champgrenon » : une expérience pour améliorer le climat scolaire

Amanda MAITRE et Cécile MARGUIN sont thérapeutes au Centre « Chagrin scolaire » de Mâcon. C’est en tant que spécialistes du harcèlement scolaire qu’elles interviennent dans une école élémentaire de la région. Nous leur avons demandé de nous expliquer la genèse et la méthodologie d’un dispositif original à tous les sens du terme.

Cécile MARGUIN : « Emmanuelle PIQUET, créatrice des Centres « Chagrin scolaire » et Aurélie VAROT, responsable du site de Mâcon de l’ESPE[1] en Bourgogne, sont à l’origine de ce projet qui consiste à observer et accompagner l’évolution du climat dans une école élémentaire  pendant 3 années scolaires consécutives. Nous nous rendrons régulièrement dans l’établissement concerné.

Amanda MAITRE : Ce projet a donc débuté dans une école de la ville de Charnay-lès-Mâcon, qui le finance intégralement.

C.M. : Et notamment l’équivalent d’une matinée par mois, durant laquelle nous recevrons en séance individuelle les élèves et les professeurs qui en auront fait la demande.

A.M. : Au préalable, afin de connaître la situation initiale, un questionnaire a été proposé aux enfants, à leur famille, aux enseignants sur le climat scolaire. Chaque catégorie a relaté son expérience ou son ressenti. Par exemple, il a été demandé aux enfants : « as-tu été embêté ? Si c’est le cas, était-ce de manière répétée ? Plutôt dans la cour ? En classe ? ». Les mêmes questions ont été posées aux trois catégories, les parents ont pu dire si leur enfant aime aller à l’école et les professeurs ont évalué les agressions physiques ou verbales dont ils ont eu connaissance. Un questionnaire identique sera proposé à l’issue de chaque année scolaire pour que puisse être analysée l’évolution du climat dans cet établissement.

C.M. : C’est donc une démarche thérapeutique autant que de recherche : il s’agit d’aider  ceux qui viendront  consulter lors de nos permanences.

A.M. : Outre les matinées de présence à l’école et les séances de thérapie, les questionnaires et leur dépouillement, la municipalité a également pris en charge une conférence sur le harcèlement qu’a donnée Emmanuelle PIQUET aux parents et aux professeurs des élèves fréquentant l’école de Champgrenon.

Qui vient consulter et comment ?

A.M. : Des « boîtes à rendez-vous » ont été installées dans chaque classe. Les enfants qui souhaitent nous rencontrer notent leur prénom, leur nom et leur classe. C’est une démarche volontaire, même si les enseignants qui trouveraient cela bénéfique pour un élève peuvent lui suggérer de faire cette demande. Cependant, cela ne sera pas  imposé. Il y a aussi une boîte vers le bureau de la directrice, selon le souhait d’enfants qui trouvent plus discret de ne pas devoir déposer leur nom dans la boîte de leur classe.

NDLR : On serait bien partie sur quelque chose comme ça mais les enfants ont dit que ce n’était pas nécessaire.

C.M. : Il est prévu que les enseignants fassent aussi de cette manière une éventuelle demande de rendez-vous. En amont, donc avant que nous commencions à rencontrer les enfants – ou les adultes – qui ont vécu des problèmes relationnels, il y a eu une matinée de présentation aux enfants : nous sommes allées dans chaque classe.

A.M. : Et pour chaque classe, nous avons donné deux exemples de « flèches »[2], afin que les enfants comprennent bien comment nous intervenons.  Nous avons eu ensuite une réunion avec les enseignants, pour savoir ce que les élèves avaient retenu de notre présentation.

C.M. : La première matinée de consultation a eu lieu et  tant d’élèves se sont inscrits que nous n’avons pas pu les recevoir tous. Il y a une vraie demande des enfants, que je n’avais pas mesurée à ce point. Les enseignants ont sélectionné ceux pour qui notre intervention leur paraissait la plus pressante.

A.M. : Je suis comme Cécile, très surprise par le nombre de demandes initiales. A une semaine du démarrage, il y avait 2 inscrits, 13 le jour même et aujourd’hui, nous comptons 22 cas.   Nous avons donc décidé de rapprocher les premières séances, de ne pas laisser les enfants attendre aussi longtemps. Mais nous n’oublions pas que c’est un  projet sur trois ans.

De quelles classes viennent les enfants et pour quelles problématiques ?

C.M. : La présentation a été faites à tous, y compris aux Cours Préparatoires, mais nous avons reçu des élèves de CE2, CM1 et CM2.

A.M : Un enfant de CE1 aussi : tous les niveaux sont concernés.

C.M. : Les problématiques sont très variées : harcèlement, chagrin d’amitié, difficultés relationnelles de tous ordres…

A.M : Nous avons donc traité ces problématiques ensemble, puisque nous consultons à deux.

C.M. : On va plus vite, avec deux cerveaux pour le prix d’un ! Et la directrice, qui se forme (former les enseignants fait partie du projet) est également présente, si les enfants sont pleinement d’accord.

A.M. : Entre chaque consultation, nous lui expliquons pourquoi nous avons proposé telle flèche ou exercice, quel était notre objectif.

Le ressenti des thérapeutes

C.M. : C’est encore plus intéressant que ce que j’imaginais ! Et nous sommes très bien reçues dans l’école, les enseignants disent attendre beaucoup de nos interventions.

A.M. : Cela génère un peu de pression…  Mais on a vraiment l’impression de faire partie de l’équipe pédagogique. C’est particulièrement agréable de travailler dans ces conditions.

Muriel Martin-Chabert

[1] Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education

[2] Une « flèche » chez Chagrin scolaire, est une réplique verbale de défense, élaborée avec l’enfant harcelé et affûtée avec précision en fonction de la teneur exacte de l’attaque subie.