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À 180 Degrés / Chagrin Scolaire

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Le film d’horreur de Camille et Dobby – Que faire face à la peur ?

J’aimerais dédicacer cet article à une très bonne amie à moi qui a eu la bonne idée d’offrir à notre famille les DVD d’Harry Potter. Vraiment merci.
Il y avait le verre d’eau, le câlin, le pipi, mais alors maintenant avec Dobby qui s’ajoute à tout ça, merci bien.
« Ce n’est rien, chérie, c’est un film, ne t’inquiète pas, en vrai Dobby est un « effet spécial », il n’existe pas… »

Très généralement lorsqu’un enfant a peur, notre premier réflexe est de le rassurer : on lui dit que les monstres n’existent pas, que les fantômes et autres créatures c’est uniquement dans les livres et les films, bien sûr, c’est tellement évident ! (Mais la Petite Souris et le Père Noël bien sur que c’est pour de vrai chérie, ça n’a rien à voir). Et la plupart du temps, ça marche.
Après le visionnage de l’épisode 2 (Harry Potter et la Chambre des Secrets pour ceux qui seraient tentés), Camille ne pouvait plus s’empêcher de penser à Dobby. Dobby est un être indescriptible, mais tentons tout de même. Dobby est très petit, sa peau grisâtre est posée à même ses os, ses grandes oreilles tombent légèrement sur le côté, il a de grands yeux verts pâles ainsi qu’un long nez à la Cyrano de Bergerac.
Dobby est un « elfe de maison », il vit donc très logiquement dans les maisons et c’est bien ce qui fait peur à Camille. Dobby pourrait être dans sa chambre, tout comme il se tape l’incruste dans celle de Harry au début du film.
Quand elle l’a dit la première fois, son frère s’est moqué d’elle en lui disant « mais n’importe quoi », puis quand il l’a vue pleurer, terrorisée, il l’a rassurée gentiment en « rationalisant » : « mais enfin tu sais bien que c’est un film, ça n’existe pas. Et puis au fond il est gentil, n’aie pas peur de lui ! »
« N’aie pas peur » : quand on a peur, c’est difficile de décider de ne pas avoir peur, c’est là malgré nous, ça nous tord le ventre.
Vous l’avez compris, rassurer Camille ne l’a pas aidée, et au bout d’une semaine, elle avait de plus en plus peur, de plus en plus mal au ventre le soir à l’idée d’être seule dans sa chambre. Le contrôle des placards et du dessous de lit par son frère n’y changeait rien du tout (comme chacun sait, les elfes de maison peuvent se rendre invisibles et transplaner même dans l’enceinte de Poudlard !)

Le 180° de Camille

En tant que thérapeute brève et stratégique, je me suis dit qu’il était temps de faire un 180°, puisque le bon sens n’avait pas l’air de fonctionner.
Or, l’inverse de « se rassurer » c’est « se faire peur », en l’occurence ici « lui faire peur ».
Pour mieux comprendre, il faut avoir en tête la chose suivante : La peur est comme une amie, une protection qui vient nous avertir quand il y a un danger. Par exemple, on a (généralement) peur de traverser une route pleine de gros camions qui roulent très vite. On sait parfaitement qu’on peut se faire écraser et mourir.
Ce à quoi ma fille a répondu « Evidemment, surtout que les grosses roues de camion, si on passe dessous, on n’a aucune chance ». En effet chérie, tu es très pragmatique.
« Le problème c’est que lorsque ta peur de Dobby vient te voir, on essaye de la faire partir sans l’écouter, ce qui fait qu’elle revient chaque jour un peu plus fort pour que cette fois ci, tu l’écoutes. Mais chaque jour tu la rejettes, et ainsi de suite. Il faudrait donc qu’on fasse comme pour la peur des camions aux grosses roues ». Il allait donc falloir arrêter de lui dire qu’elle n’avait aucune raison d’avoir peur et regarder en face le risque de recevoir la visite d’un elfe de maison envoyé par des maitres sorciers peu sympathiques.

Nous nous sommes donc installées toutes les deux, sur son lit, pour écouter enfin cette peur maltraitée. Nous avons imaginé qu’elle allait se coucher, qu’elle se glissait sous ses draps et que Dobby, tapi derrière sa porte de placard surgisse en bondissant sur son petit corps terrorisé, qu’il la fixe avec ses gros yeux verts et qu’il tente de l’étouffer avec ses grands bras maigres. Elle ne pourrait pas hurler puisque ses mains lui serreraient la gorge. Il suffirait de quelques minutes seulement pour que Dobby réussisse à la tuer… Puis il repartirait dans une autre maison, et nous aurions l’horreur de découvrir le corps sans vie de Camille le lendemain matin.
La première fois qu’elle a écouté ce que sa peur avait à lui dire, elle a eu besoin d’être dans mes bras pour pleurer. La deuxième fois a été plus fluide, et la troisième fois elle a pu le raconter toute seule. Le lendemain, elle n’a pas eu besoin de se repasser son film d’horreur. Sa peur, qui avait été écoutée, n’avait plus besoin venir lui crier dans les oreilles tous les trucs horribles qui pouvaient se passer.

Voilà ce qu’il a fallu faire pour apaiser Camille. C’est très paradoxal, nombreux sont les parents qui s’interrogent : « mais enfin, elle va avoir encore plus peur ! ». C’est exactement l’inverse, lorsqu’on apprivoise sa peur, qu’on l’écoute, qu’on se « prépare » au pire, alors c’est seulement à ce moment qu’elle peut nous laisser tranquille.
Camille s’est depuis contentée du traditionnel « pipi, câlin, verre d’eau », et c’est déjà bien suffisant !

 

Magalie Deloye